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Yann Diener

mercredi 6 mars 2013

Chers utopsystes,

Nous aurons le plaisir de recevoir Yann Diener, psychanalyste à Paris qui travaille notamment dans un Centre médico-psychopédagogique, pour notre prochain séminaire autour de son livre On agite un enfant. L’Etat, les psychothérapeutes et les psychotropes, édité à La Fabrique en 2011.

Dans son ouvrage, Yann Diener nous parle d’une entité créée de toute pièce le TDAH (trouble déficit de l’attention avec hyperactivité).

Il constate que de plus en plus d’enfants sont adressés au CMPP avec une demande de prescription de ritaline ou de reconnaissance d’un statut de handicapé afin de bénéficier d’un accompagnement scolaire. Il relie cette évolution à la demande de l’environnement d’apaiser une agitation repérée chez l’enfant, qui se manifeste à l’école ou dans sa famille : cette demande vient se formuler à travers les filtres des nouvelles catégories nosographiques édifiées et médiatisées et la modification des filières de prise en charge dans le cadre de l’organisation des structures de soins et médico-sociales.

C’est l’occasion pour Yann Diener de revenir sur l’histoire des CMPP et sur l’inscription de la psychanalyse dans leur création et construction. Il dénonce aujourd’hui une éviction croissante de la référence explicite à la psychanalyse dans ces lieux. Il s’interroge et alerte sur les soubassements et effets de cette évolution. Pour cela il déploie son propos en deux axes.

Il nous dépeint, en effet, dans un premier temps l’apparition d’une langue médico-sociale (LMS). Il la décrit comme le reflet et la menace d’un glissement progressif des pratiques des équipes soignantes sacrifiant la psychanalyse. Il revient, dans cette perspective, sur la valeur irremplaçable de l’éthique propre à la psychanalyse concernant la dimension d’accueil du symptôme de l’enfant comme expression d’un insu qui pourra cheminer, se révéler et être mis en parole dans le champ des relations transférentielles que l’enfant va nouer avec les soignants qu’il va rencontrer. À contrario, la LMS, congruente à une pratique de gestion de la souffrance et du symptôme, désignés comme handicap, privilégie, propose voire impose des options de rééducation et des interventions à visée réadaptatives. Cette évolution, ici décrite, s’intègre à un empiètement de plus en plus patent des soins par un nouvel hygiénisme. Cette police des comportements et des conduites ayant pour objet l’obtention d’une normalité désignée socialement, dont un des vecteurs ou support se voudrait les soins psychiques, nous avait été précédemment explicitée par Yves Clot dans le domaine de la psychologie du travail. Ce processus avait été mis en relation par Pierre Dardot avec la fiction d’un individu autogouverneur de lui-même et de son capital santé s’intégrant au modèle de la société néolibérale. Aussi, aider l’enfant à devenir un bon écolier ou un enfant sage viendrait s’appuyer sur un savoir médical se présentant comme scientifique. Là aussi, François Gonon nous a développé combien les neurosciences étaient mises en avant de manière abusive pour affirmer une origine neurobiologique de l’hyperactivité avec des évidences scientifiques en réalité bien faibles. En outre, la médicalisation accrue via notamment la prescription de ritaline s’insère dans la recherche active par les industries pharmaceutiques de nouveaux débouchés rentables pour leurs molécules.
En parallèle, il existe une inflation des procédure d’évaluation au CMPP, emblématiques des dispositifs de management infiltrant tous le lieux de soins. L’auteur prend pour exemple l’injonction étatique à préétablir le nombre de séances remboursées en fonction du symptôme faisant fi, par là même, de la singularité de chaque relation de soin, de l’imprévisible de ce que l’enfant vient et va découvrir sur lui-même et qui est propre à lui ouvrir un champ nouveau pour épanouir des possibles. L’importance d’un travail qui s’écarte de la réduction de la souffrance de l’enfant et de sa demande au symptôme qui l’amène à consulter nous paraît ici essentielle.

Dans un deuxième axe, Yann Diener aborde la manière dont la psychanalyse est mise à mal par l’émergence de ce qu’il nomme la novlangue psychanalytique. Il décrit la manière dont le mouvement qui préside à l’analyse est mis en danger par le recouvrement de la psychanalyse par la référence à la psychothérapie qui s’y substituerait. Dans cette optique, il critique l’alignement d’une partie des institutions analytiques à l’amendement Accoyer qui règlemente les psychothérapies en rappelant notamment la valeur de l’analyse profane.

Aussi nous sommes invités, par ce livre, à penser la place de la psychanalyse dans les CMPP et plus largement dans les institutions de soin en psychiatrie. Il ouvre en ce sens, justement, des questions sur quelle est cette place de la psychanalyse et la manière dont cela vient s’incarner et vivre dans les différents lieux de soins.
Finalement, plutôt que de renvoyer dos à dos psychanalyse et psychothérapie, ce qui semble un avatar d’un impensé ou d’une question qui mérite débat, dans les différents espaces de travail analytiques et de soin, nous souhaitons développer l’articulation qui nous est proposée. Nous sommes amenés par Yann Diener à discuter et à questionner l’articulation de la psychanalyse avec les institutions de soin et analytiques et la manière dont cela a éminemment à voir avec le travail de la culture. Il s’agit d’une question que nous avons commencé à aborder avec Pierre Kammerer en janvier et que nous aimerions poursuivre avec vous le lundi 18 mars à 20h30 au 27 rue des Bluets (métro Père Lachaise ou Menilmontant).

Alexandra de Séguin, pour Utopsy
www.utopsy.fr

Les prochains séminaires d’Utopsy :

- Lundi 8 Avril : Sophie Mendelsohn, psychanalyste. Soirée autour de l’oeuvre de Robert Castel. Interview parue dans la Revue des Livres N°9 de janvier - février 2013 : http://www.revuedeslivres.fr/
- Lundi 29 avril : Jean Pierre Lehmann, psychiatre et psychanalyste. Autour de son dernier livre paru en 2012 Marion Milner et Margaret Little. Actualité de leur travail avec des psychotiques, aux éditions Erès.
- Lundi 17 juin : Monique Tricot, psychanalyste à Dijon

Informations diverses :

- Utopsy prend part et appelle à la participation aux Assises citoyennes pour la psychiatrie et le médico-social organisées par les CEMEA et le Collectif des 39 qui auront lieu les 31 mai et 1er juin 2013 à Villejuif : « Nous appelons donc à des Assises citoyennes basées sur les témoignages et les expériences de terrain dans les collectifs de soin et les structures médico-sociales pour construire ensemble des propositions de refondation de la psychiatrie et du médico-social inscrites dans une relance et une réinvention de la politique de secteur, dans ses liens avec la psychiatrie privée et l’ensemble des acteurs de la vie sociale. » http://www.collectifpsychiatrie.fr/

- Vous trouverez ci-joint le programme de cinq journées organisées dans le cadre du D.U. "Psychose et Institution" pour l’année 2012-2013 http://www.utopsy.fr/IMG/pdf/programme_du_2012-2013.pdf
Le DU est sous la responsabilité de Paul Laurent Assoun, Yves Le Bon, Linda de Zitter, Guy Dana (Clinique de l’accompagnement, Paris VII). Les journées sont accessibles indépendamment du cycle de formation et séparément. Elles se déroulent à Hôpital Général de Longjumeau, salle de la formation, ancien bâtiment, 159 avenue F.Mitterrand (secrétariat 01-64-54-32-27). Vous pouvez consulter le programme des deux prochaines journées les mardi 9 avril et le 11 juin 2013.



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