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Marc Ledoux, Christophe Munier et Joris de Bisschop

samedi 10 septembre 2011

Nous accueillerons le lundi 26 septembre au 27 rue des Bluets à 20h30 Marc Ledoux, Christophe Munier et Joris de Bisschop qui sont tous les trois cliniciens dans le champ psychiatrique. Ils viendront nous présenter la pensée et la clinique de Viktor Von Weizsacker dont ils viennent de traduire l’ouvrage fondateur "Pathosophie".

Traduit cette année, "Pathosophie" est le dernier ouvrage de Viktor Von Weizsacker, publié en Allemagne en 1956. Son travail, qu’il situe dans le champ de l’anthropologie médicale posera la question de l’humain à partir de la pathologie en tentant d’introduire la notion de "sujet" au coeur de la biologie (bio-logos).

S’appuyant sur la démarche freudienne en partant de ce qui est exclu par le champ des sciences classiques (l’erreur, l’irrationnel, la dissimulation, l’imprévu, l’expérience du sensible etc.), Weizsacker articule un champ d’expérience nouveau qu’il nomme "le pathique" qui, en s’opposant à l’ontique (la causalité, quantité...), met le mouvement, le devenir de l’homme et sa biographie au centre de son rapport à la pathologie. Le pathique sera ainsi le déploiement d’une subjectivité.
Weizsacker en arrive à transformer les concepts médicaux traditionnels en les articulant aux avancées freudiennes et à une critique épistémologique appuyée sur sa pratique de médecin interniste, puis plus tard de psychiatre et de thérapeute.

Ainsi, c’est avec la "pathographie" que Weizsacker entend dépasser l’opposition factice entre organique et psychique, entre organe et fonction. A l’instar de la psycho-somatique dont Weizsacker récusera le terme trop dualiste, l’auteur pense ces phénomènes et crée la catégorie des "bioses" (qui s’agencent aux névroses et aux scléroses).
C’est à travers les crises et les conflits du corps que se pensera la pathogenèse. Ainsi, l’homme est en conflit perpétuel entre un "oui" et un "non" à la santé, conflit qui s’exprime tout le temps dans le rapport du sujet avec le monde (Umwelt). La maladie quelle qu’elle soit, serait donc, tout comme le délire pour Freud, un travail de guérison, un travail interne de reconstruction. Ce qui permet à l’auteur de penser l’ensemble des "bioses", ces maladies qui se déclenchent à des moments précis de l’existence.

Weizsacker en vient à une conception de la santé comme une lutte permanente contre la maladie, « la santé étant une poursuite de la maladie par d’autres moyens ».

Pourquoi traduire Weizsacker aujourd’hui ? Quelles questions cliniques, dans le champ psychiatrique et plus largement dans le champ de la santé se voient ainsi actualisées ?

Ses développements nous intéresserons d’autant qu’ils mettent en question le glissement positiviste contenu dans tout champ d’expérimentation, qu’il soit biologique, psychiatrique ou plus largement médical.

Sur les plans épistémologique et politique, Weizsacker pourra-t-il nous offrir des outils critiques et praxiques pour penser la santé telle qu’actuellement définie par l’OMS, ou encore la santé mentale "positive" comme elle est maintenant énoncée dans les rapports officiels ?

Par exemple, comment pouvons-nous résister avec ces outils à l’actuelle inflation des "centres experts" (pour bipolaires, schizophrènes et autres étiquetés) qui entendent donner un diagnostic supposé objectif de la pathologie psychiatrique ?

Relisant Weizsacker Jean Oury rappelle une prise de position importante de l’auteur comme suit : "le diagnostic est intégré dans le processus thérapeutique. Dans l’approche d’une structure psychopathologique, ce n’est que si l’on accède "au paysage" de la rencontre que le diagnostic fait parti de la thérapeutique".

Si la croyance en une science objective est une tendance contemporaine importante (a fortiori en psychiatrie), Weizsacker nous pose peut-être la question de savoir si la véritable science ne se constitue pas comme éthique, par une fine articulation entre l’objet et le sujet, entre l’ontique et le pathique.

Bibliographie :
Viktor Von Weizsäcker, "Pathosophie, 2011, collection Krisis, editions MILLON.



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