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Guy Dana

samedi 4 septembre 2010

Utopsy fait sa rentrée le lundi 20 Septembre à 20h30, au 27 rue des Bluets 75011 Paris, (métro Père Lachaise ou Ménilmontant, entrée est libre et gratuite).

Nous aurons le plaisir de recevoir : Guy Dana, psychiatre chef de service à Longjumeau, à propos de son ouvrage « Quelle politique pour la folie ? Le suspense de Freud », édité chez Stock en 2010.

Dans ce livre centré sur la notion d’espace, Guy Dana expose sa conception du travail de secteur avec la psychose, conception politique d’une organisation des lieux envisagée sous l’éclairage de la psychanalyse pour aboutir à la notion d’une « cure sectorielle » des patients psychosés, formule qui consacre le lien entre psychanalyse et politique.

Comment gagner de l’espace pour penser et exister ? Pourrait être la question directrice de cet ouvrage ; avec la psychanalyse et le dispositif sectoriel, l’auteur propose une réponse.

Il démarre d’un constat : celui d’une certaine congruence entre la modernité et la psychose dans le traitement de l’espace.

En effet, Guy Dana constate que la modernité telle que nous la connaissons, toute préoccupée de la performance, tend vers la clôture, l’évitement de l’élaboration, la lutte contre l’inattendu, l’évitement voire la négation du conflit et notamment du conflit psychique.

En psychiatrie, dans nos services, nous pouvons le constater à travers le développement des normes et des protocoles, réponses toutes faites et rendues obligatoires par une évaluation pensée comme une vérification, annulant de ce fait la réflexion, le débat, la dispute entre professionnels.

De même, l’esprit gestionnaire et rentabiliste de la loi HPST, réorganisant l’hôpital public, prône une fermeture des structures peu rentables vécues comme coûteuses en argent, c’est-à-dire les établissements de proximité, pour favoriser le rassemblement et la mutualisation des moyens dans des sites uniques.

Ces deux exemples témoignent d’une volonté de « mise en ordre », d’uniformisation des pratiques et des lieux.

Par ailleurs, la langue promulguée par la modernité est une langue occupée, pleine, « positive », prônant la transparence, l’adéquation, la traçabilité. Niant le conflit psychique et la division du sujet, la méconnaissance que chacun entretient avec lui-même, elle opère une tentative de saturation de l’espace, de colmatage des brèches.

Or, remarque l’auteur, la rhétorique de la modernité et son fonctionnement voisine avec la sémiologie psychotique.

En effet, la psychose peut être considérée comme une organisation défensive contre la discontinuité, l’inattendu, le conflit psychique, la pensée incidente vécue comme étrangère. Nous le constatons dans la clinique : les patients psychosés se prêtent mal à l’inattendu, le conflit psychique leur est difficilement soutenable. Ils lui préfèrent la sécurité d’un monde objectivé par le délire, fournissant des certitudes et permettant d’évacuer un questionnement existentiel alors vécu comme extérieur et persécutant.

Dans la psychose comme dans la modernité, il existe une lutte contre la discontinuité, la séparation, la différenciation et une tendance à l’uniformisation et à l’aplanissement des conflits.

A l’inverse de cette tendance, la psychanalyse, s’appuyant sur l’imprévisible de l’association libre et favorisant la familiarisation du sujet avec sa part méconnue, inconsciente, se donne pour but de lever un interdit de penser, d’ouvrir un espace. Un espace permettant un accueil modifié de l’inattendu, l’augmentation du champ du décidable.

En cela, elle est un gain de liberté et favorise l’émergence du sujet.

Elle est l’envers de la passion de l’ignorance.

En mettant en rapport espace psychique, intervalle entre les mots, espace géographique, en soulignant l’intimité qui existe entre territoires psychiques et territoires géographiques, l’auteur propose une conception du travail avec la psychose « au cœur de la ville comme au cœur du langage ».

Cela est possible grâce au dispositif du secteur.

Partant de l’idée qu’il est possible de penser l’articulation des lieux comme l’articulation des signifiants, dont le but, en formant une chaîne signifiante, est de sortir d’une bouillie indistincte dénuée de mots différenciés, il propose une manière de penser les lieux de soins qui favoriserait la relance de la symbolisation, de l’individuation, du travail psychique.

Le secteur est ici pensé comme un contenant à plusieurs lieux, des lieux articulés comme des signifiants, dont aucun n’est le centre car il n’existe pas de centre mais une circulation. L’intervalle entre les lieux répond à l’intervalle entre les mots, fournit un espace vide permettant l’émergence d’un travail psychique. Pour un patient donné, des transferts se nouent avec les soignants, avec les différents lieux ; ces transferts qui évoluent, naissent et disparaissent au gré des séquences institutionnelles, favorisent le fait de recommencer plutôt que de répéter indéfiniment, recommencement dont on peut penser qu’il permet finalement, chez des patients qui se réfugient si finalement dans un hors temps, de transformer les événements en mémoire, de constituer une histoire personnelle, un sujet qui tolère avec moins de difficulté l’inattendu et l’étranger qui est en lui.

Un sujet qui, finalement, gagnant en espace, gagne en liberté.

Loriane Brunessaux, pour Utopsy

Bibliographie :
http://www.editions-stock.fr/auteurs/stock-auteur-000000082212-Guy-Dana-biographie-bibliographie-hachette.html



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